SUPERCELLULE DU 9 AOÛT 2019
Il y a un peu plus d’un an, en avril 2018, j’avais réussi à observer en Champagne la première tornade française de ma carrière. Ma chance avait été d’intercepter cet orage hyper rapide au moment où il décida d’engendrer un tourbillon furtif avant de s’échapper à trop vive allure vers le nord-est, ne me laissant aucune chance de le rattraper. En ce 9 Août 2019, le scénario s’est répété presque à l’identique. A la différence près que nous sommes en plein coeur de l’été et l’énergie disponible est donc encore plus importante.
A la faveur de vents puissants en altitude et d’une instabilité grandissante de l’atmosphère, un orage qui évoluait sur la région Centre depuis la matinée explose littéralement sur l’est de la Seine-et-Marne. Remarquant la bonne convergence des vents et l’humidité élevée au sud de Châlons-en-Champagne, je décide de m’y positionner, le long de la trajectoire estimée de cette belle boule rouge sur l’image radar. A l’horizon, le ciel s’assombrit rapidement, et l’on commence à distinguer les bases déchiquetées de ce qui sera assurément une supercellule.
Plus l’orage s’approche et plus il semble aspirer la moiteur de l’air loin vers l’est, comme le montre cette large base plombée à l’avant de la cellule.
Alors que la supercellule n’est plus qu’à quelques kilomètres de ma position, je peux remarquer que les fractus, ces petits nuages filandreux qui dansent auprès du sol, sous l’ascendance principale, sont animés en plusieurs endroits d’une rotation certaine. A la vue de cette structure incroyable qui se dessine, digne de certaines chasses dans le Kansas, j’envisage à tout moment de voir émerger une tornade. L’orage glisse à mon nord mais la scène est trop parfaite pour que vienne l’envie de quitter déjà mon point de vue. Je profite de ce plafond noir d’encre qui remplit le ciel…
… jusqu’à couvrir entièrement ma tête.
Durant toute cette approche, je réalise une séquence vidéo afin de capturer l’ambiance audio ainsi que les mouvements turbulents qui animent ces appendices nuageux.
Au moment où m’atteignent les fortes rafales de vent issues du RFD, ce courant surpuissant situé à l’arrière de l’orage, je comprends qu’il est temps de reprendre la route si je veux tenter d’accompagner la supercellule lors de sa remontée vers le nord-est. Je saute dans le véhicule de chasse et fonce à 80 Km/h…
…sur une petite route naviguant à travers champs. Pendant près d’une demi-heure, je parviens difficilement à flirter avec les bases tournoyantes de l’orage, au sud du système. Mon espoir de repasser totalement devant la structure pour continuer à la photographier s’assèche aussi vite que mon réservoir d’essence. Pour autant, le ciel que j’observe à ma gauche est toujours hyper esthétique, et c’est en sortant d’un village que je suis frappé par l’organisation nuageuse. Dans l’orage, une fente très claire s’est immiscée, signe d’une franche apparition du RFD autour de la colonne d’ascendance. En général, cette arrivée massive d’air froid autour du mésocyclone provoque une accélération de sa rotation, et l’on considère même qu’elle est très favorable à la formation des tornades. Séduit par les douces ondulations d’un paysage à fond d’écran Windows, je décide de m’arrêter dans ma course pour capturer l’instant. Ce n’est qu’après avoir pris la photo que je remarque une masse sombre sous la colonne ascendante de l’orage. Il m’aura fallu contraster un peu l’image finale afin de mieux révéler les contours de la forme. Mais oui, il semblerait bien qu’une tornade ou à défaut un large gustnado (tornade secondaire issue d’un front de rafales) agisse là-bas, sur des terres heureusement vierges.
Je n’ai malheureusement pas eu le temps de monter le bon objectif sur mon appareil photo pour zoomer sur la zone en question, que déjà la pluie me rattrape.
S’ensuit une nouvelle course contre la montre dans le but de rester au contact de l’orage le plus longtemps possible. Mais rien n’y fait, je perds trop de temps à slalommer entre les moitiés d’arbres et les trampolines de jardin qui ont atterri sur ma route suite aux puissantes rafales précédant l’orage. Il va falloir me rendre à l’évidence que la supercellule est définitivement hors de portée.
Une heure après cette dernière photo, une tornade causera des dégâts nettement plus marqués à la frontière franco-luxembourgeoise, sous une autre supercellule évoluant dans un contexte encore plus favorable. Mais le terrain de chasse, lui, paraissait moins accueillant que les plaines céréalières de la Champagne. En supposant que j’eusse le temps d’atteindre cette zone malgré mes 6 heures de route depuis mon point de départ le matin, il est assez peu probable que j’eusse réalisé de meilleures images là-bas. Il me suffit d’ailleurs de repencher le nez sur les clichés de la supercellule approchante pour raviver l’extase et l’excitation qu’aura représenté ce moment. Une chasse courte mais suffisamment mémorable pour redonner un peu de galons à une saison 2019 jusqu’ici très mitigée malgré un bon nombre de sorties et de tickets de péage.
De quoi confirmer également, s’il en était besoin, que la Champagne est un grand lieu de célébrations orageuses !
3 Comments
bigre ! en effet très belle supercellule . L’état de nos routes ne permettent pas de suivre aisément les orages sur de longues distances .
Oui c’est à ce moment là qu’on se souvient qu’on est pas dans le Kansas ;)
Très beau récit. J’apprécie de plus en plus également la Marne et L’aube qui regorgent de beaux orages et belles surprises chaque année. Et même si ce n est pas les routes du kansas, les déplacements y sont nettement plus faciles que bon nombre de départements…au plaisir de s’y rencontrer ! Cette année est compliquée pour moi…