Chasse du 20 Juillet 2016
Il y a de ces journées d’été qui sont très longues. Celles où la chaleur est telle que vous avez dormi toutes fenêtres ouvertes et que vous êtes réveillé dès l’aube par les premières lueurs du soleil. Vous en profitez alors pour capturer la poésie du moment en photo. Mais vous le faites avec un téléphone portable, car c’était le premier objet à portée de main et que, quand même, à 5 heures du matin, vous avez un peu la flemme.
Ainsi commençait mon 20 juillet 2016. Dès lors, j’avais le temps de me préparer pour une session de chasse dont le potentiel était certain après quelques jours de forte chaleur. Bien que l’instabilité ne culminait pas à des valeurs extravagantes, l’arrivée de quelques forçages d’altitude allait probablement suffire à déclencher des orages au sein d’une masse d’air plutôt humide, surtout sur une frange s’étendant du Massif Central aux Ardennes. Dès la mi-journée, un front atténué balayait déjà la France d’Ouest en Est. Il avait provoqué des orages le matin entre Pays de la Loire et Poitou. A l’arrière de son passage, le vent s’orientait subitement à l’ouest et la température chutait, limitant au passage le risque de déclenchement orageux. Un premier impératif était donc pour ma part de quitter Paris et de progresser vers l’Est afin de rester à la zone tampon entre cet air plus frais provenant de l’ouest et les remontées plus chaudes en vents de sud-est. Restait alors à décider du point de chute précis sur cet axe de convergence. M’appliquant à déterminer la zone la plus propice, je finissais par atterrir dans l’Aube, sous un ciel pour le moment grisâtre. Sous la chaleur lourde et les attaques de fourmis volantes, j’entamais une attente que j’étais loin d’imaginer si longue. Il était 14 heures.
Alors forcément, j’en profite au moins pour photographier la campagne, afin d’énerver mes amis parisiens restés au bureau. Je le fais au téléphone, parce que, quand même, il fait chaud, j’ai un peu la flemme.
Je découvre avec joie les paysages de la région de Troyes que je ne connaissais que très peu. Il s’avère que c’est le paradis du chasseur d’orages. De douces collines libérées de quelque entrave visuelle que ce soit. Subtilement décorées d’éoliennes proéminentes, futures cibles de choix pour la foudre attendue.
Et pour l’avoir attendue, je l’aurai attendue ! Six heures après mon arrivée dans la zone, les premiers signes de déstabilisation apparaissent à peine. Il semble qu’une averse se renforce toutefois à mon ouest. Je m’installe sur un point de vue idéal et décide de sortir le matériel photo au cas où la chose passerait au stade éléctrique. Alors que je règle le niveau de mon trépied et m’apprête à tenter une première prise de vue, un flash très puissant surgit devant moi. Un coup de foudre extra-nuageux vient de s’abattre dans le champ à probablement un kilomètre de ma position. Dix secondes avant l’installation de mon appareil photo. Je hurle à la mort.
Mais je me reconcentre aussitôt pour capturer les prochaines manifestations de cet orage naissant. Malheureusement, celui-ci remonte très rapidement vers le nord et s’éloigne de ma position. Il ne donnera d’ailleurs plus de décharge aussi flagrante que la première. Les éclairs sont atténués par le noyau de pluie…
Nul besoin de me lancer à la poursuite de ce faible orage qui se déplace trop vite. Je suis toutefois rassuré par le potentiel de la soirée, à l’approche d’une deuxième onde d’instabilité par l’ouest. Il faut aussi parfois attendre que le soleil passe derrière l’horizon pour que les sommets des nuages convectifs ne soient plus réchauffés et puissent atteindre sereinement le sommet de la troposphère. Toujours est il que le soleil couchant met en valeur un ciel chargé en nuages pré-orageux.
Au crépuscule, on passe rapidement de l’heure en or à l’heure bleue, des teintes chaudes au froides. Et quoi de mieux qu’un contraste de température pour lancer les orages? Entre Auxerre et Troyes, juste au sud de ma position, une petite ligne de plusieurs cellules orageuses s’active enfin. Je suis parfaitement placé pour assister à ces nouvelles décharges.
Alors que je m’attendais à voir progressivement les coups de foudre se rapprocher, je remarque qu’un rideau de pluie apparaît sur ma droite, plus proche. Il est fort probable que ce soit le début d’un nouveau noyau orageux et j’oriente donc mon objectif dans cette direction. Quelques secondes plus tard, c’est un premier coup de foudre qui s’abat sur la plaine.
Il sera suivi moins d’une minute après par un cousin tout aussi sympathique.
Zoomons sur le point d’impact, estimé à environ trois kilomètres de mon point de vue.
S’en suivent plusieurs autres impacts proches mais qui ont le malheur de tomber désormais de façon désorganisée, à droite et à gauche de moi. C’est aussi à ce moment que la pluie se manifeste et m’oblige à me replier à l’intérieur de la voiture. Je ne pensais pas qu’elle m’atteindrait si rapidement mais je continue à déclencher depuis le siège passager. Sans toutefois parvenir à éviter les gouttes sur l’objectif.
La ligne orageuse est bien établie et je me rends compte qu’il me suffirait d’un minuscule décalage à l’est pour ressortir de la pluie. Je descends de ma bute et pars m’engager dans de nouveaux chemins quelques encablures plus loin. Tandis que je suis à la recherche d’un premier plan agréable, un impact de foudre s’abat à 300 mètres devant moi, en zone sèche, et en prenant soin de durer suffisamment longtemps pour me faire baver. Il est temps de s’arrêter à nouveau et d’installer le matos. Peu rassuré par la proximité des éclairs, je rampe à l’extérieur et commence à shooter l’orage. J’ai toutefois fait l’erreur de rester un peu trop près de sa bordure et les gouttes finissent par me rattraper très rapidement. Sous un vent dominant qui vient de l’orage, difficile d’éviter la douche.
Je regrimpe dans mon véhicule et me déplace encore. Les éclairs sont toujours présents mais je remarque de moins en moins de coups de foudre vraiment visibles. Le vent de sud-est n’est pas assez fort pour structurer correctement ces orages et délimiter plus nettement les zones de foudroiement. Tout est de plus en plus noyé alors que ce système multicellulaire s’élargit.
Slalommant entre tracteurs et moissonneuses, je ne parviens plus à trouver un point de vue satisfaisant sur les événements. Chaque scène est dominée par la pluie et des flashs noyés en son sein. Rien qui ne soit très photogénique. Je fais le choix d’abandonner ces orages et de me déplacer vers l’ouest lorsque je remarque qu’une récente petite cellule sévit à la frontière Yonne / Aube. De quoi espérer des conditions un peu plus clémentes.
Au bout d’une demi-heure de route, il me faut trouver là-encore si possible un cadre photographique qui dépasse le banal champ de blé. L’horizon clignote en rouge de tous les côtés. Je n’ai plus qu’à viser l’un de ces champs d’éoliennes pour être à peu près sûr d’obtenir un premier plan et une vue dégagée. J’attaque une nouvelle session de rallye dans des chemins interminables, naviguant au feeling dans la nuit, avec l’espoir de ne pas tomber sur un cul-de-sac dans un bois au bout de dix kilomètres d’investigations. Le bois fut bien là mais à sa lisière se présentait un paysage fort satisfaisant. Je suis enfin face à un nouvel orage, dont l’activité électrique n’est cependant pas folle.
Il faudra se contenter d’éclairs un peu lointains et à nouveau « humides » malgré la qualité du point de vue.
Il est un peu plus d’une heure du matin quand j’assiste à la mort de ce dernier orage. Je prends le chemin du retour avant que la fatigue ne me rattrape de façon trop violente. Les deux images de foudre relativement proche auront sauvé cette sortie caractérisée par des orages qui sont restés globalement très pluvieux et peu structurés. Dans ces situations, être à l’initiation des événements est crucial et détermine les chances de succès photographique. On comprend qu’il est essentiel de ne pas se laisser endormir par les longues heures d’attente d’une journée qui avait déjà commencé trop tôt…
Leave a reply