Chasse du 28 Juin 2012
Parti avec la ferme intention de ramener avant tout de la photographie de foudre, j’étais loin de m’imaginer ce qui allait m’attendre en ce 28 juin 2012. Une chasse toute prête à désigner la Saône-et-Loire comme étant THE PLACE TO BE durant toute la saison. A la faveur d’une situation météorologique relativement idéale, j’allais assister à l’éclosion d’orages esthétiques, aux bases élevées, et aux tentatives de rotation systématiques. En soirée, j’aurai la chance d’observer la constitution d’un mésocyclone particulièrement bien dessiné, au sein d’une ambiance orageuse formidable. Découvrez ces instants magiques dans la vidéo ci-dessous !
En images
Dans la chaleur de ce bel après-midi d’été, d’aucun auraient choisi de se prélasser dans les champs de blé. D’ailleurs, nul ne se serait soucié de ces formes blanches à l’horizon. Et pourtant, il s’agit là d’un langage très parlant pour le chasseur d’orage. L’enclume s’étalant à vitesse grand V, alimentée par des tourelles convectives solides, on sait d’ores et déjà que la glande ne sera pas au programme de la journée. Aussi jolis que soient les paysages bucoliques du centre de la Saône-et-Loire, conduire vers ces orages jeunes et au déplacement très lent était sans aucun doute la meilleure solution.
Arrivé sur la frange Ouest du département, je suis maintenant idéalement placé pour observer l’évolution de ces cellules isolées et voir les premiers coups de foudre s’abattre sur la plaine.
Malgré une évidente bonne volonté, avec notamment des amorces rotatives témoignant d’un fort cisaillement des vents dans les basses couches de l’atmosphère (cf vidéo), ces premiers orages resteront quelque peu des pétards mouillés. D’ailleurs, la cellule en laquelle je croyais le plus, présente dans un environnement à priori favorable, sera celle qui s’effondrera le plus rapidement… Plus au sud en revanche, sur la région Roannaise, les orages se renforcent nettement.
Mais loin de me laisser démonter, et gardant en tête les projection très optimistes des modèles météo pour la Saône-et-Loire en soirée, je ne m’affole pas et regarde le soleil chauffer à nouveau des sols bien humides. L’absence totale de cumulus sur ma zone pendant près de trois heures va toutefois faire germer quelques inquiétudes, tant la situation ne semble s’agiter que sur le département de la Loire pour l’instant. Mais rouler dans cette direction paraissait bien mal inspiré, tant les paramètres météo étaient vu favorables un peu plus tard par ici.
Aux environs de 21h30, ma patience est récompensée…
Depuis le Lac du Plessis à Montceau-les-Mines, je me régale de l’explosion convective localisée mise en valeur par un soleil déclinant. Les promeneurs sont loin d’imaginer ce qui les attend en début de nuit.
Alors que j’étais concentré sur ce premier cumulonimbus, un autre apparaît très soudainement à son Ouest. L’enclume, rétrogressive, est d’une épaisseur remarquable, et se voit ornée d’un sommet pénétrant. Pas de doute à avoir quant à la longévité de ce nouvel orage. Dans une atmosphère chaude et moite, on tient là un énorme potentiel d’amusement nocturne.
Pendant ce temps à Vera Cruz… ah non pardon, à Roanne ; les orages continuent de sévir. Fort possible que j’aurais passé une très bonne journée là-bas également, mais le secteur de chasse y est tout de même moins agréable. Et puis la vue que j’en ai d’ici n’est pas si mauvaise finalement, non?
Surtout, ce qui va m’intéresser plus nettement, c’est la fameuse cellule surpuissante repérée depuis Montceau et vers laquelle j’ai maintenant un point de vue presque idéal. Au fil des minutes, la structure se dessine de plus en plus nettement. De violents coup de foudre exclusivement positifs s’abattent autour de ce qui commence à ressembler franchement à un mésocyclone.
La soucoupe est plus franche sous la base du nuage, signe d’une rotation indéniable.
La lumière de fin de journée ajoute à l’ambiance irréelle vécue cette soirée-là.
Le soleil couchant met en valeur toute une ligne de puissante convection. En effet, plusieurs Cumulus Congestus distincts semblent sur le point de tous aboutir en Cumulonimbus. Ce ne sont pas les quelques milliers de moustiques me dévorant pour leur dîner qui vont me stopper dans l’envie de capturer chaque instant d’une des plus belles soirées de ma carrière. Pas évident d’ailleurs de gérer à la fois la photo et la vidéo.
D’un instant à l’autre, les couleurs évoluent continuellement.
Alors que la supercellule s’éloigne vers le nord en se déstructurant un peu, je m’intéresse maintenant à cet orage qui va suivre à peu près la même trajectoire. La taille du rideau de pluie reste limitée mais l’activité électrique se renforce nettement, principalement intra et inter-nuageuse.
Parfois, un intense coup de foudre va tout de même se manifester au sein de l’orage…
Même si la vidéo s’arrête ici, la nuit n’était absolument pas terminée ! Suite à cet orage isolé, la situation va très franchement dégénérer sur tout le département en un amas multicellulaire extrêmement éléctrique. Toute la Saône-et-Loire se transforme en une immense discothèque sous des lumières stroboscopiques qui m’évoquaient sans problème quelques souvenirs américains ! La pluie se généralise et comme souvent, la prise de vue est rendu plus difficile. Je parviens tout de même à capturer ces quelques décharges :
Concentré sur ces orages, j’en oublierai un peu de surveiller ce qui peut se passer ailleurs, et je vais faire une erreur stratégique très dommageable ! Voyant que de nouvelles cellules continuent de se former sur une zone habituelle à la frontière entre Allier, Loire et Saône-et-Loire, je choisis d’aller à leur rencontre. Me voici dans la région de Gueugnon, que je ne connais que très peu, et qui s’avère être constituée de beaucoup de forêts et autres haies malsaines. De 23h à 2h du matin, je parcourre inlassablement les petites routes à la recherche d’une vue dégagée sur l’une de ces cellules modérément actives. Au même moment, plus à l’est, dans un air resté plus chaud, de nouveaux orages très esthétiques vont germer puis remonter sur le Val de Saône et la Bresse. Comment sais-je qu’ils étaient esthétiques? Car une dizaine des mes collègues chasseurs se trouvaient au même moment à Dôle, dans le nord du Jura. Ils auront donc la chance d’observer de magnifiques impacts de foudre ramifiés alors que je luttais désespérément pour en approcher un. Malheureusement, j’étais maintenant bien trop loin pour rattraper ces orages… et tout se calmait sérieusement de mon côté…
Je n’avais pas réellement obtenu ce que j’étais venu chercher mais j’étais obligé de me montrer satisfait de ce que j’avais vu. Voir une supercellule aussi bien formée reste quelque chose de très rare en France. Epuisé, mais serein, je pouvais donc prendre le chemin du retour vers la maison.
Alors que je m’attendais à l’un de ces longs voyages ou chaque minute semble en durer dix, une charmante surprise allait m’attendre au niveau de Villefranche-sur-Saône. Accablé par la fatigue, je n’ai plus tout à fait ma lucidité… mais je crois bien avoir aperçu un flash ! Je redresse l’échine et garde les yeux grands ouvert pour capter une éventuelle autre manifestation céleste, aussi improbable qu’elle puisse paraître dans une région qui ne devait pas être touchée par les orages. Soudain, un nouveau flash très puissant éclaire la ville. Yes, cellule isolée ! Vite, il faut sortir de la pollution lumineuse, et trouver un point de vue ! Je grimpe sur le plateau de l’Ain et à peine suis-je arrêté sur le bord de la route avec l’appareil photo sur le trépied, que je suis récompensé par un troisième coup de foudre :
Après ce triple impact, l’orage crèvera aussi vite qu’il était né… mais j’avais enfin obtenu la photo que je souhaitais réaliser lors de cette soirée, et qui me manquait depuis ce début de saison ! Un coup de chance inouï que je ne pensais pas avoir mérité suite à mon erreur stratégique du début de nuit, mais sur lequel je ne cracherai pas…
Vers 5h du matin, je regagnais enfin mon domicile, trop fatigué pour réaliser totalement la magnifique soirée que j’avais passé. 2012 s’annonçait déjà épique !
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