Chasse du 4 Septembre 2008
Tout commença à la terrasse d’un café où, trop occupé à passer un agréable moment de retrouvailles avec mes amis de fac (rentrée oblige !), j’en oubliais de surveiller la situation météorologique. Le matin et en début d’après-midi, des orages avaient déjà affecté le bassin Grenoblois, mais sous forme de coups de foudre épars et noyés. Du coup, je m’étais quelque peu détourné du ciel pour plonger mes lèvres dans une bière bien fraîche.
Oui mais voilà, le chasseur d’orage est doté le plus souvent d’un instinct étrange. Le même qui le fait se réveiller en pleine nuit, alors qu’un orage approche de son habitation. Son cerveau est-il excité par les décharges électriques? Sent-il dans l’air les conditions idéales et inévitablement orageuses? Toujours est-il qu’entre deux mauvaises vannes et autres anecdotes de vacances, mon flair orageux fut soudainement titillé. L’averse naissante au dessus de nos têtes n’y était sans doute pas étrangère. Le tout dans une ambiance assez tropicale, tendant à me laisser penser que l’instabilité pourrait encore se renforcer par la suite. En effet, les modèles météo de prévision visualisaient bien une puissante activation des orages en soirée ! Il était un peu temps de se soucier du temps! Cependant, l’instinct ne fait pas tout et c’est la technologie, cette superbe technologie, qui me permis de jeter un œil aux radars de précipitations sur mon téléphone portable. Et bam ! Le verdict s’afficha sur l’écran, sous forme de grosses tâches rouges dans la vallée du Rhône. D’un bond je me levais, comprenant qu’il y avait matière à chasser! « Bon eh bien je vous laisse moi ! » lançais-je à mes amis qui crurent alors à une blague, avant que je leur explique que le devoir m’appelait !
19H30 : PREMIER ORAGE
Une ligne de cellules orageuses très actives se tenait sur le nord et l’ouest de l’Isère en se décalant très lentement vers l’Est. C’est en cette direction que je fonçais sur l’autoroute. Le ciel etait déjà noir devant moi, sombre, menaçant, torturé… beau ! Je n’aurais fait que vingt bornes avant d’aller m’installer sur un point de vue que j’avais repéré récemment. Dès mon arrivée sur les hauteurs de Voiron, les cellules étaient bien visible et parfaitement identifiables.
En voici donc une première qui semblait se diriger vers moi. Le tonnerre y était régulier, tout comme les canaux lumineux qui s’en extirpaient.
A cet endroit, j’étais en fait garé juste devant une propriété privée, ce qui me laissait inquiet quant à la réaction de ses habitants dès lors qu’ils remarqueraient cet inconnu planté devant chez eux. Quelques minutes plus tard, c’est une grand-mère qui me sauvait de l’attaque d’un fauve déchaîné (modèle Yorkshire insignifiant). Visiblement peu effarouchée par ma présence, la vielle dame ne m’éjecta pas de mon spot, et c’est donc sereinement que je pus continuer à shooter !
Tant mieux car ce point de vue est formidable…
En regardant en direction du Vercors, on avait affaire à des contrastes saisissants, et assez symboliques de la situation redondante de cette semaine-ci. A savoir que les orages en flux de sud-ouest se bloquaient la plupart du temps contre le Vercors, laissant ainsi Grenoble à l’abri, voire même sous un resplendissant soleil comme le laisse entrevoir ce halo de lumière sur la gauche de l’image.
Mais celui-ci n’était pas un orage comme les autres. Bien costaud et bien vorace, il allait avaler le Vercors avec une facilité déconcertante. A défaut de concerner Grenoble, c’est moi qu’il allait impacter directement!
En moins d’un quart d’heure, la bestiole était sur moi et la visibilité fut réduite à néant :
Dans le tas, un grand nombre d’impacts de foudre proches, et surtout quelques grêlons qui claquent sur le toit de la voiture. Deux centimètres de diamètre tout au plus.
Cette absence totale de visibilité m’effrayait un peu. Et si la zone était par la suite envahie de stratus et de brouillard comme c’est souvent le cas lors des orages en montagne? Heureusement, il n’en fut rien ! L’orage passa assez vite et je découvris qu’à l’arrière, les festivités étaient loin d’être terminées…
20H A 21H30 : DÉFILÉ DE CELLULES
Il faisait encore assez jour et la photo de foudre n’était pas aisée. Je procédais tout de même à quelques rafales de clichés et parvins au bout d’un moment à imprimer un éclair sur le capteur.
Cela peut paraître exagéré mais, à cet instant, j’étais content de ma capture ! Évidemment, bien que plein d’espoir, j’étais loin d’imaginer ce qu’allait être la suite de la soirée.
L’orage s’approchait doucement et continua de délivrer de la foudre à intervalles réguliers. Soudainement, je remarquai qu’un nouveau rideau de pluie faisait son apparition plus à mon Ouest. Je tournai donc l’appareil photo et fus surpris par un puissant impact. Tellement lumineux qu’il mit à mal mes réglages photographiques en brûlant certaines parties de l’image.
Cette cellule s’activa nettement. Les éclairs étaient magnifiquement ramifiés et le spectacle à la nuit tombante était formidable.
Maintenant que les bons réglages étaient trouvés, je pouvais m’en donner à cœur joie.
La foudre s’acharnait sur le bois de Bavonne derrière la ville de Voiron :
L’orage était maintenant trop au nord et je ne voyais donc plus aussi bien les impacts. Qu’à cela ne tienne, une nouvelle cellule s’active plus au sud !
Avec tout ça, j’en aurais presque oublié d’évacuer ma bière ! Oui, vous savez, celle qui, bue trois heures auparavant, me compressait la vessie depuis deux heures et demi ! Ne tenant plus, je règlai mon appareil photo sur des poses de 30 secondes et je poussais le déclencheur pour que tout se fasse automatiquement. Je m’éloignai de quelques mètres et me soulageai dos à l’orage (configuration du lieu oblige) voyant régulièrement le paysage s’illuminer face à moi. Sans trop savoir ce qui avait donc traversé le ciel devant mon appareil photo pendant que j’officiais à l’opposé, je regardais curieusement les quelques « poses surprises ». Et hop, voici ce qui apparut sur l’écran :
Pas si mal comme surprise!
Cet orage suivit le même chemin que son prédécesseur, et remontait lui aussi vers les collines que vous avez déjà pu apercevoir. L’activité était là encore maximale, comme on peut le remarquer avec ces décharges simultanées :
22H : EMBALLEMENT DE LA MACHINE
Cette ligne avait finalement du mal à avancer. Moi qui pensait la voir progressivement combler l’écart qui nous séparait pour m’offrir des impacts très proches, je me rendis compte qu’elle avait curieusement tendance à « s’éloigner ». Déjà content de mes captures à cet endroit, je décidais donc de tenter un rapprochement. Je pris la route, traversant Voiron puis me dirigeai vers l’ouest. Je ne rencontrai même pas la pluie alors que j’étais maintenant à quelques hectomètres du noyau actif en électricité. Du coup, les éclairs étaient superbes, lumineux, ramifiés, mais je ne trouvais pas d’endroit pour m’arrêter. La route n’était pas idéale et je finissais malgré tout par rencontrer la pluie. Bien que peu torrentielle à cet instant, on pouvait comprendre que les précédentes cellules s’étaient déversées successivement sur la zone. La route était boueuse, et parfois jonchée de branchages ou de sable issu de ravinements. Je serai d’ailleurs surpris à un moment par une zone inondée de la route. Gros passage de gué dans le sillage d’une voiture l’ayant franchi sans trop d’encombre.
Le paysage devint dégagé à nouveau, et malgré la pluie, je m’arrêtai, ouvris la vitre, et déclenchai l’appareil :
Superbe ambiance mais il est clair que dans la tourmente, la prise de photos était rendue difficile.
Ça flashait dans tous les sens, c’était puissant et émouvant. Je vivais définitivement l’une des plus belles chasses de la saison.
Ce qu’il se passait, c’est qu’une autre ligne orageuse surpuissante arrivait derrière la première, après avoir balayé tout le Massif Central. Elle allait subitement pousser tout cette zone orageuse vers l’Est, et je me dis donc que la meilleure chose à faire était peut-être de retourner vers Grenoble pour tenter de repasser devant la ligne avant que tout ne bouge. Bien m’en a pris car je ne parviendrai à m’échapper de la pluie qu’en arrivant à Gre ! Il faisait d’ailleurs encore bien chaud dans la vallée, et je me précipitai au fort de la Bastille, sur les hauteurs. A peine arrivé que de beaux impacts s’abattèrent sur l’ouest de l’agglomération, du côté de Saint-Egrève :
LA RENCONTRE
C’est à cet instant que je fus rejoint par mon collègue Vincent Deligny qui n’aura pas eu la même chance que moi dans ce laps de temps très court avant l’arrivée de la pluie. S’en suivit un déluge qui nous fit nous retrancher dans la voiture pour parler chiffons et orages. Installés dans le coffre du break de mon compère, nous attendions une éventuelle accalmie de la pluie pour espérer pouvoir observer à nouveau les éclairs. C’est alors qu’un individu s’approcha de la voiture : « Bonsoir, vous faîtes des photos d’orage? ». Une belle rencontre avec un chasseur tout nouveau sur Grenoble, et ce sous une pluie battante… c’était d’un romantique !
Les présentations furent faites et les coordonnées échangées. Il était maintenant minuit passé et le système orageux semblait s’étaler et n’offrir plus que des éclairs intras-nuageux. Alors que Vincent rentrait chez lui, je décidais d’y croire encore un peu et je changeai de spot d’observation. Direction la route de Saint-Nizier du Moucherotte d’où j’espérais photographier quelques coups de foudre au dessus de la ville si l’orage se décalait suffisamment.
Malheureusement, je n’aurais eu le droit qu’à de nombreuses décharges rampantes au dessus de ma tête !
Un bon nombre d’impacts continuèrent à matraquer la ville par la suite, mais j’étais fatigué et avait déjà bien rempli la carte mémoire ! Raisonnable, je regagnais donc mon domicile sous un déluge impressionnant qui commençait à inonder les rues. Agréable de s’endormir avec le bruit de la pluie sur les volets… Mais cette soirée entière ne fut-elle pas qu’un simple rêve?
Leave a reply